Le 8 mars 2020, Hélène Decherf-Défossez apprend la nouvelle que tout parent redoute. Son fils Jean a fait une chute mortelle. Plutôt que de basculer à son tour dans le vide, Hélène choisit de remplir sa vie d’action et de sens. Avec sa pièce de théâtre, elle sensibilise les jeunes aux dangers de la quête d’adrénaline. Rencontre avec un grand R.
Hélène, nous nous rencontrons car l’action que vous menez avec votre association « Un instant, une vie » nous touche profondément, tout comme le drame qui vous a percutée de plein fouet il y a 4 ans. Qui êtes-vous Hélène ? Et qui est Jean ?
Je suis formatrice en communication interpersonnelle, notamment auprès d’étudiants, et maman de trois enfants… dont Jean, mon unique fils, décédé à la suite d’un accident il y a quatre ans. Cela s’est passé au Portugal lors d’un séjour avec son école. Jean était un jeune homme doué, solaire, qui aimait vivre de façon intense. Par esprit de défi, et comme il l’avait déjà fait auparavant, il a escaladé une grue. Lors de la descente, il a chuté. Nous avons reçu un coup de téléphone, LE coup de téléphone impossible… quatre jours avant son 20e anniversaire.
Comment survit-on à un tel drame ? Peut-on seulement y survivre ?
On ne s’en remet pas. Jamais. Perdre un enfant, c’est une amputation. Le confinement qui a immédiatement suivi le drame a compliqué les démarches. C’était une période folle. Cela nous a permis d’être ensemble, mais nous a aussi privés d’échappatoire. Nous étions obligés d’affronter. Chacun a entamé son propre chemin. De mon côté, après être passée par un état de sidération, je me suis imposé une discipline quotidienne, comme un automate : mon yoga, mon café… et puis écrire.
Pourquoi écrire ?
L’écriture a été ma thérapie, le premier pas vers la résilience. J’ai posé des mots puis des phrases sur une détresse indicible, un hurlement intérieur. J’avais besoin de dire, ou plutôt de crier aux jeunes que la vie est fragile et qu’il est de leur devoir de la préserver. J’ai voulu raconter l’histoire de Jean, d’abord dans un livre, « Mon zèbre s’est tué ». Jean était un enfant précoce, sans soucis, à qui tout souriait, boulimique de la vie, un compétiteur dans l’âme, ne sachant pas se mettre de limites, mais aussi toujours soucieux des autres. En enquêtant auprès de ses amis, en particulier sa « famille de tortues », je me suis rendu compte à quel point il avait eu un impact sur la vie des autres. Jusqu’au bout.
Après le livre, vous avez écrit une pièce de théâtre, « Adrénaline ». Quelle a été votre démarche ?
Jacky Matte, metteur en scène avec lequel j’ai travaillé en tant que comédienne amatrice, m’y a encouragée et aidée. L’idée de faire parler Jean à la première personne s’est imposée. Sur scène, le dispositif, sublimé par le son et la lumière de Jérémy Scherpereel et le piano de Mathis De Ruyver, est sobre et puissant. Simon Herlin incarne Jean de façon magistrale. « Adrénaline » est une pièce flash de trente-cinq minutes. Une « claque » fulgurante, qui ouvre sur un échange avec le public autour des comportements à risques, dans une démarche de sensibilisation et de prévention.
A qui s’adresse votre pièce ? Comment est-elle reçue ?
Elle cible les jeunes, lycéens et étudiants, de 16 à 25 ans, à qui l’on parle du danger de certaines drogues, de l’abus d’alcool, mais trop peu, voire jamais des conduites à risques. Jusque 25 ans, relever des défis et repousser les limites est normal, mais le cerveau n’a pas encore atteint la maturité qui implique la prudence. En plus de deux ans, nous avons donné quelque 90 représentations et entamé une tournée en France et en Belgique. Quand je vois les nombreux retours positifs, je sais que je suis au bon endroit au bon moment, alignée. C’est une belle aventure humaine. Pour Jean, pour tous les jeunes que j’essaie de toucher à travers son histoire, je me dois d’avoir une vie pleine, riche de sens. Pas question de la gaspiller. Je suis heureuse car j’ai trouvé ma « mission de vie ».
Vous souhaitez faire jouer « Adrénaline » dans votre lycée ? Votre école ? Votre théâtre ? Rendez-vous sur uninstantunevie.com ou sur Facebook/Intagram : 1instant1vie